Le culte de Notre-Dame des Douleurs

Le culte de Notre-Dame des Douleurs

Notre-Dame des Douleurs est un des appellatifs attribués à Marie, mère de Jésus. Voici comment est née la dévotion séculaire à la Mater Dolorosa.

Une femme belle et triste, habillée en noire et violet, les couleurs du deuil. Le visage tourné vers le ciel, souvent baigné de larmes, et, dans les yeux, une angoisse qui n’a pas de voix, ni de mots. Ainsi apparait Notre-Dame des Douleurs dans la plupart des représentations qui la dépeignent. Et c’est exactement ce dont il s’agit, d’une maman qui a souffert énormément pour amour de son Fils unique, qui a participé à Sa douleur, à Sa Passion, en l’accompagnant jusqu’à la Croix et en versant aux pieds de cette dernière toutes ses larmes.

Mais quand et comment est né le culte de Notre-Dame des Douleurs ?

Les origines du culte

La dévotion à la Vierge des Douleurs est célébrée tous les ans le 15 septembre, le lendemain de la célébration de l’Exaltation de la Croix. Ce fut Pape Pie X (1904-1914) qui a établi cette date, mais le culte de Notre-Dame des Douleurs et de ses Sept Douleurs existait déjà à la fin du XI siècle. Au début, les douleurs n’étaient que 5, comme 5 étaient les joies. Il s’agit de moments de la vie de Marie racontés dans les évangiles, ou transmis dans la dévotion populaire, liés à la Passion et à la mort de Jésus, mais pas seulement. Les douleurs de Marie étaient déjà à l’époque représentées par cinq épées transperçant son cœur.

Saint Anselme et Saint Bernard contribuèrent principalement à la diffusion de cette forme de dévotion qui exaltait la figure de Marie en tant que mère et vénérait son chagrin accordé aux pieds de la Croix. Le Liber de passione Christi et dolore et planctu Matris eius, un texte écrit par un anonyme, ne fut qu’une des premières compositions dédiées au Pleur de la Vierge, que tant de place aurait trouvé par après dans les Laudi populaires et dans les Mystères.

Au XII siècle, Jacopone da Todi (même si l’attribution n’est pas certaine) composa le Stabat Mater, une composition poétique musicale liturgique qui était récitée ou chantée pendant la célébration eucharistique avant la proclamation de l’Évangile. Il s’agit d’une poignante méditation sur la douleur de Marie aux pieds de la Croix. La prière commence avec les mots :

Stabat Mater dolorósa
iuxta crucem lacrimósa,
dum pendébat Fílius.

Cuius ánimam geméntem,
contristátam et doléntem
pertransívit gládius.

Debout, la Mère des douleurs,

près de la croix, était en pleurs,

quand son Fils pendait au bois.

Alors, son âme gémissante,

toute triste et toute dolente,

un glaive la transperça.

En 1233, sept nobles florentins de la compagnie des Laudesi, une confrérie de Florence particulièrement dévouée à la Sainte Vierge, assistèrent à un miracle : ils virent l’image de la Vierge représentée sur le mur d’une rue citadine prendre vie. La Vierge apparaissait affligée par une grande douleur, et portait les couleurs du deuil. Les jeunes interprétèrent cette vision comme un signe de la douleur que la mère de Jésus éprouvait à cause de la haine qui divisait les familles de Florence. Ils décidèrent ainsi de porter eux aussi des habits de deuil, jetèrent leurs armes, se retirèrent en pénitence et en prière sur le Mont Sanario et instituèrent une nouvelle confrérie : la compagnie de Notre-Dame des Douleurs, ou des Servites.

De nombreuses confréries furent instituées par la suite, pendant que la dévotion à Notre-Dame des Douleurs et aux Sept Douleurs de Marie se répandait à tous les niveaux sociaux de la population. Cette incroyable diffusion est encore bien visible aujourd’hui, grâce aux innombrables fêtes populaires en l’honneur de Notre-Dame des douleurs qui ont lieu partout en Italie. Mais des nobles, voire des souverains européens, furent aussi dévoués à Notre-Dame des Douleurs et encouragèrent son culte. Pensons à Charles V, Empereur du Saint-Empire romain germanique, qui commissionnait des tableaux représentant les Douleurs de Marie afin d’instruire le peuple analphabète, ou à la famille royale espagnole. Les Servites et les franciscains contribuèrent en large mesure à cette diffusion.
Dans un premier temps, les rites en l’honneur de la Mater Dolorosa étaient concentrés pendant la Semaine Sainte, mais ensuite d’autres nouvelles dates et célébrations furent instituées, jusqu’à la décision de Pie X.

Les Sept Douleurs endurées par Marie

Nous avons déjà mentionné les Sept Douleurs de Marie. De quoi s’agit-il ? Ce sont des événements racontés dans les Évangiles qui montrent des épisodes de la vie de Marie caractérisés par une grande affliction. Dans l’iconographie populaire, elles sont représentées par des épées transperçant le cœur de la Sainte Vierge.

Voici les Sept Douleurs de la Mater Dolorosa :

  1. La prophétie du vieux Siméon sur l’Enfant Jésus : « Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère: Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées. » (Luc 2,34-35)
  2. La fuite en Égypte de la Sainte Famille : « Lorsqu’ils furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Egypte, et restes-y jusqu’à ce que je te parle; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Egypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode » (Matthieu 2,13-15)
  3. La disparition de l’Enfant Jésus au Temple : Les parents de Jésus allaient chaque année à Jérusalem, à la fête de Pâque. Lorsqu’il fut âgé de douze ans, ils y montèrent, selon la coutume de la fête. Puis, quand les jours furent écoulés, et qu’ils s’en retournèrent, l’enfant Jésus resta à Jérusalem. Son père et sa mère ne s’en aperçurent pas. Croyant qu’il était avec leurs compagnons de voyage, ils firent une journée de chemin, et le cherchèrent parmi leurs parents et leurs connaissances. Mais, ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher. Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Tous ceux qui l’entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses. Quand ses parents le virent, ils furent saisis d’étonnement, et sa mère lui dit: Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse. Il leur dit: Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père? Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait toutes ces choses dans son cœur. » (Luc 2,41-51)
  4. La rencontre de Marie et Jésus pendant le Chemin de Croix (cet épisode n’est pas raconté dans les Évangiles, mais dérive de la tradition populaire. Jésus montant au Calvaire rencontre sa mère).
  5. Marie aux pieds de la Croix : « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus, voyant sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui. » (Jean 19,25-27)
  6. Marie accueille dans ses bras le corps de Jésus (cet épisode aussi n’est pas raconté dans les Évangiles, mais a été le sujet d’innombrables représentations religieuses, comme la Pietà de Michel-Ange, pour n’en citer qu’une des plus célèbres. Marie berce dans ses bras le corps de Jésus descendu de la croix avant qu’il ne soit enterré).
  7. Marie assiste à la sépulture de Jésus (épisode non biblique, transmis par la tradition).

Les Sept Douleurs constituent une sorte de chemin de souffrance dont la Sainte Vierge a été protagoniste. Ce n’est pas un hasard si la tradition populaire a institué dans certaines localités la « Via Matris », une version mariale de la « Via Crucis », en instituant des véritables chemins de pénitence et de méditation sur les pas des Sept Douleurs de Marie.

Dans le contexte de certaines fêtes populaires les statues de Marie en deuil et celle de Jésus sont mises l’une à côté de l’autre, dans une sorte de dialogue aimant et infiniment douloureux entre Mère et Fils.

Marie, toute la souffrance d’une mère

Nous avons déjà parlé dans de nombreux autres articles de la figure de la Vierge Bienheureuse, Mère de Jésus. Dans la figure de Notre-Dame des Douleurs, cette identité maternelle de Marie de Nazareth atteint son plus haut et dramatique accomplissement. Comme elle a soutenu Jésus, son fils, en vie, dans cette nuit froide à Bethléem, ainsi Marie l’a suivi jusqu’à un pas de la mort, en berçant son corps martyrisé pour la dernière fois, avant de le confier au tombeau. Ce sont ses larmes à elle qui ont lavé le sang des blessures de la couronne d’épines, des clous de la Croix. Ses soupirs qui ont effleuré la peau désormais froide de l’Agneau tué pour purifier l’humanité de tous ses péchés. Mais cet Agneau pour elle était également un fils, porté en son sein pendant des longs mois, bercé pendant les nuits de pleur de son enfance, protégé et gardé comme le trésor le plus précieux, et enfin laissé dans le monde pour poursuivre son destin, mais toujours avec l’œil attentif et attentionné de la mère, le suivant, veillant sur lui, priant pour lui. Nous ne pouvons pas comprendre l’importance de la figure de Notre-Dame des Douleurs si nous ne nous attardons pas sur cet aspect deMarie en tant que mère.

mere de Picasso

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Les représentations de Notre-Dame des Douleurs

Au début de cet article, nous avons mentionné l’iconographie classique de Notre-Dame des Douleurs. Le visage triste, pâle, de qui n’a plus d’autre nutriment que sa propre douleur, aucun soulagement à la soif de ses pleurs. Les habit, noirs ou violets, sont ceux du deuil, et souvent elle serrent entre ses mains un mouchoir, mais déjà trempé de larmes. Dans de nombreuses représentations, la poitrine est transpercée par les lames cruelles des Épées des Sept Douleurs. Une mère en deuil qui pleure pour l’éternité la mort de son Fils unique.

Mais il y a d’autres images récurrentes dans l’art sacré, qui immortalisent d’ultérieurs instants de cette Via Matris pavée de souffrance. Les Pietà, par exemple, qui représentent l’avant-dernière des Sept Douleurs, ce moment qui n’est décrit dans aucun Évangile, mais qui est ancré de manière indélébile dans la tradition populaire, dans l’émotivité collective d’une humanité toujours sensible aux grandes tragédies : Marie tient dans ses bras le corps sans vie de Jésus.

Le corps du Christ est abandonné, dans une pose douloureuse et, en même temps, détendue, comme si toute la douleur l’avait déjà quitté, comme si, enfin, il pouvait trouver du soulagement dans les bras de sa mère. Et c’est sur elle que toute la souffrance se reverse, comme si c’était elle, Marie, qui absorbait tout le mal infligé aux membres bénits nés de son ventre, pour lui permettre de mourir en paix. Marie, dans son tourment, se retient, semble sereine, comme si elle était simplement en train de bercer son fils endormi, comme si elle savait déjà que, d’ici peu, Il ouvrira ses yeux et lui sourira. Et en même temps, dans cette composition iconographique, on perçoit toute l’intimité que seules deux créatures qui ont partagé pendant des mois le même corps peuvent connaître, cet alchimie mystérieuse qui rend mères et fils inséparables, indissolubles indépendamment de ce que la vie leur réserve.

L’art sacré espagnol, surtout à l’époque baroque, a privilégié les Vierges Pleureuses, habillées richement, avec des belles robes de nobles, tout en conservant les couleurs du deuil. Des Vierges faites pour émouvoir le peuple, pour susciter des sentiments de pitié et de participation et qui, dans ce but, avaient souvent un aspect très réaliste.

En Espagne, mais aussi dans de nombreuses traditions populaires italiennes, était très célèbre et fort pratiquée la cérémonie de l’Entierro, l’enterrement de Jésus, probablement amenée en Espagne par les franciscains ou par les Servites. Le corps de Christ est déposé de la Croix, confié aux pleurs de la mère et ensuite enterré. Ce type de représentation sacré impliquait des exposants de toutes les classes sociales et mobilisait la communauté entière, comme cela arrivait par exemple à Casale Monferrato et dans de nombreux villages du sud du Piémont, où se trouvent encore des documents et des témoignages de la diffusion de ce rite.

L’Italie accueille de nombreux sanctuaires dédiés à Notre-Dame des Douleurs, du Nord au Sud. Et du Nord au Sud, les fêtes populaires qui, le 15 septembre, voire pendant la Semaine Sainte, célèbrent la douleur de Marie pour la perte de son Fils sont encore très répandues. Comme par exemple à Agrigente, où le Vendredi Saint la statue de Marie part à la recherche de celle de Jésus déposé dans les rues de la ville, amenée à bras par les membres d’une confrérie, ou à Belluno, où la fête en l’honneur de Notre-Dame des Douleurs coïncide avec l’ancienne Sagra de i fisciot (fête des sifflets), ou à Comiso, où les festivités durent pendant des jours, entre dîners et processions, et culminent avec le « Triomphe de la Très-Sainte Marie des Douleurs ».

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